La cité phocéenne va se donner les moyens de devenir l'un des principaux centres de gravité de la croisière en Europe. Vendredi, le Conseil d'administration du Grand Port Maritime de Marseille a définitivement entériné le chantier d'élargissement de la passe nord, qui permettra d'accueillir les plus grands paquebots du monde en facilitant les manœuvres par fort Mistral. Le projet, dont le financement est désormais acquis, prévoit d’élargir de 50 mètres la passe nord, qui passera de 170 à 220 mètres. Pour y parvenir, le tenon partant du bassin jouxtant la forme 10 et qui mesure environ 70 mètres, serait raboté d'une cinquantaine de mètres. Dans le même temps, la digue de Mourepiane sera réduite de 50 mètres, afin d’améliorer l’accès aux postes 162 et 163. Les études ont, toutefois, démontré que ces mesures entraineraient un regain d’agitation dans le bassin de Mourepiane, les protections face à la mer étant moindres. C’est pourquoi, afin d’y remédier, la digue du large sera prolongée. Une portion supplémentaire de 60 mètres, avec un angle légèrement dévié vers le large, est envisagée. Mais le coût de l’opération étant très élevé, puisque les fonds tombent rapidement à une trentaine de mètres, cette extension sera peut-être limitée, s’il s’avère que la construction des premières dizaines de mètres de digue supplémentaires réduit suffisamment l’agitation des bassins.
Le tenon, le bassin à flot et la forme 10 (© PORT DE MARSEILLE-FOS)
Régler le problème des déroutements à cause du Mistral
Au sein des grandes compagnies de croisière, on salue cette initiative. Il faut dire qu’avec l’augmentation de la taille des paquebots, entre 10 et 15% des escales sont désormais annulées quand le Mistral souffle trop fort, c'est-à-dire au-delà de 25 nœuds. Avec l’amélioration des accès nautiques, les gros paquebots pourront franchir la passe nord avec 35 nœuds de vent établi, ce qui autorisera un passage des grands navires 95% du temps. Selon les études, seules quelques journées dans l’année, soit moins d’une dizaine, poseront problème lorsque le Mistral soufflera trop fort. Mais ces courtes périodes sont, pour l’essentiel, cantonnées à la période hivernale, où le trafic est moindre, même si l’une de ces journées de tempête, la semaine dernière, a provoqué le déroutement de deux navires de Costa Croisières vers Toulon (des rafales à 50 nœuds soufflaient alors sur Marseille).
On notera que le projet d’élargissement de la passe nord, porté notamment par Christophe Piloix, directeur des opérations du GPMM, a été mené en étroite collaboration avec les compagnies maritimes. Les capitaines de paquebots de différents opérateurs, comme Royal Caribbean, Carnival, Costa, MSC ou encore Princess ont été associés aux études, notamment grâce au simulateur de manœuvre de la station de pilotage de Marseille. Le projet a, ainsi, été validé par tous les grands armements.
Le paquebot Allure of the Seas (© RCI)
Un projet lié à la remise en service de la forme 10
D’un coût de 30 millions d’euros, le chantier, qui devrait être achevé fin 2015, est étroitement lié au projet de remise en service de la forme 10, la plus grande cale sèche de Méditerranée. Cet été, le Grand Port Maritime de Marseille a signé une convention d’exploitation avec CNDM (Chantier Naval De Marseille, filiale du groupe italien San Giorgio del Porto), T. Mariotti et STX France. Réunis au sein d’un groupement d’entreprises, ces industriels exploiteront à partir de 2015 la forme 10, qui va nécessiter d’importants investissements, soit environ 22 millions d’euros, afin de remettre en état la cale sèche, construire un nouveau bateau-porte et aménager les terre-pleins. Longue de 465 mètres pour une largeur de 85 mètres, cette immense forme de radoub pourra accueillir les plus grands paquebots du monde, à commencer par les géants Oasis of the Seas et Allure of the Seas, deux navires de 362 mètres de long, 47 mètres de large (66 mètres à certains endroits) et d’une jauge de 225.000 GT. Leur armateur, Royal Caribbean International, compte sur Marseille pour assurer l’arrêt technique de ces mastodontes, livrés en 2009 et 2010, pour lesquels les chantiers disposant d’infrastructures suffisamment grandes sont très peu nombreux. Alors que RCI envisage de positionner l'un de ces géants en Europe, il se murmure, dans les coursives, que l’Allure of the Seas pourrait venir à Marseille en 2015. D’autres armateurs ont, eux-aussi, montré un vif intérêt pour la forme 10, comme le groupe américain Carnival (dont Costa Croisières est une filiale), ou encore MSC Croisières. Certains serait d'ailleurs intéressés pour entrer au capital de la société exploitant cette infrastructure.
Le terminal croisière de Marseille (© CAMILLE MOIRENC)
1.15 million de passagers attendus en 2013
Alors que la réparation navale de paquebots reprend des couleurs dans la cité phocéenne, où près de 20 grands navires sont passés en arrêt technique chez CNDM (qui exploite depuis 2010 les formes 8 et 9, longues de 350 et 250 mètres) ces deux dernières années, l’essor de la croisière en Europe, et notamment en Méditerranée, représente un fort potentiel de développement pour cette activité. D’autant qu’à compter de 2015, Marseille disposera non seulement d’un pôle majeur de réparation navale, avec la plus grande cale sèche d’Europe, mais aussi de nouveaux terminaux et d’accès nautiques améliorés pour l’accueil des navires et de leurs passagers. Un véritable atout pour les opérateurs, qui pourront, par exemple, débarquer ou embarquer directement leurs clients avant ou après les arrêts techniques de leurs paquebots. S’appuyant sur le développement de ses infrastructures et ses larges possibilités de pré et de post-acheminement, via notamment le TGV et l’aéroport de Marignane, Marseille, premier port français pour la croisière, a accueilli cette année 940.000 passagers, une fréquentation qui devrait passer à 1.15 million de passagers en 2013, dont 350.000 en tête de ligne (soit 40.000 de plus qu’en 2012).