La cité phocéenne était en ébullition, hier, pour la toute première escale de l’Allure of the Seas. Le mastodonte de la compagnie américaine Royal Caribbean International s’est présenté dans la matinée devant Marseille et, après avoir évité à l’extérieur du port, est entré en marche arrière dans les bassins pour accoster au poste 183 du terminal croisière. Une manœuvre qui s’est parfaitement déroulée. Malgré le vent (25 nœuds avec des rafales à 30), le paquebot géant n’a utilisé, pour se positionner, que trois de ses quatre propulseurs d’étrave et encore, les moteurs étaient loin de tourner à pleine puissance.

L'Allure of the Seas à Marseille (© : CHRISTELLE MAUBEC)

L'Allure of the Seas à Marseille (© : CHRISTELLE MAUBEC)

L'Allure of the Seas à Marseille (© : CHRISTELLE MAUBEC)

La frégate Aquitaine était aussi Marseille (© : CHRISTELLE MAUBEC)
Un travail de longue haleine
L’essai est donc parfaitement transformé pour communauté portuaire et Royal Caribbean, qui préparent ensemble, depuis plusieurs années, l’arrivée d’un tel navire. « Il y a quatre ans, nous avions travaillé avec la compagnie et ses commandants pour valider techniquement la venue de paquebots de cette classe. Nous avions notamment fait des modélisations sur simulateur », explique Jean-François Suhas. Le président du Club de la Croisière Marseille-Provence, qui est également pilote, rappelle aussi que son prédécesseur, Jacques Truau, avait œuvré bien plus tôt encore pour faire venir de tels bateaux à Marseille. Ainsi, dès la confirmation du projet Genesis (qui donna naissance à l’Oasis et l’Allure) en février 2006, l’ancien patron du port était persuadé qu’un jour ces mastodontes pourraient être accueillis à Marseille et qu’il convenait donc de s’y préparer. « Il y a une décennie, Jacques Truau avait commencé à y travailler alors que personne n’imaginait que ces bateaux pourraient faire escale à Marseille. Or, grâce à cette anticipation, toute l’infrastructure portuaire a été adaptée, avec un terminal capable de recevoir des navires de cette taille et une logistique associée, y compris pour garer une centaine de cars destinés aux excursions ». L’arrivée d’un navire comme l’Allure of the Seas, c’est en effet un flot considérable de croisiéristes débarquant au même moment. Hier, ils étaient pas moins de 5000 à bord (la capacité maximale du navire est de 6400 passagers), dont 200 Français. Gérer une telle foule constitue donc un vrai challenge organisationnel. Et, là aussi, le résultat est apparemment à la hauteur des attentes.

L'Allure of the Seas à Marseille (© : CHRISTELLE MAUBEC)

Ambiance folklorique pour accueillir les passagers (© : CHRISTELLE MAUBEC)
L’amélioration des accès nautiques, un projet stratégique
La décision du port d’améliorer les accès nautiques des bassins phocéens a également été cruciale. Alors que la digue de Mourepiane est d’ores et déjà été rabotée de 50 mètres, la passe nord sera élargie de 190 à 240 mètres. La fin des travaux est prévue en novembre 2016 mais, dès le printemps prochain, le tirant d’eau devrait être suffisant pour faire passer les paquebots au dessus de l’ancienne digue.
Grâce à ces aménagements, Marseille garantit les entrées et sorties du terminal croisière même en cas de fort Mistral. Une évolution majeure sachant que, jusqu’ici, 10% des escales étaient annulées pour cause de coup de vent. « C’est une avancée considérable car les armateurs veulent des accès portuaires fiables, ce qui est primordial pour les grands navires. Marseille avait d’ailleurs perdu certains armateurs pour cette raison. Maintenant, nous comptons bien les reconquérir ».
Royal Caribbean était de ceux là, désertant quasiment Marseille il y a quelques années après avoir été obligé de dérouter un certain nombre de navires. Voir aujourd’hui le numéro 2 mondial de la croisière revenir dans la cité phocéenne avec les fleurons de sa flotte est donc plus que symbolique. Ainsi, le record signé lors de l’escale inaugurale de l’Anthem of the Seas (348 mètres de long, 41 mètres de large, 167.800 GT de jauge) le 15 mai a été pulvérisé dès hier avec l’Allure of the Seas. Un paquebot aux dimensions hors normes (362 mètres de long, 66 mètres de large, 225.000 GT) qui dépasse de loin, avec son jumeau l’Oasis of the Seas, tous les navires de croisière en service. « Nous sommes vraiment très heureux d’avoir accueilli ce navire incroyable et aussi très fiers des excellents retours de la compagnie, qui s’est montrée très satisfaite de la qualité du service rendu pour cette escale », souligne Jean-François Suhas.

L'Allure of the Seas à Marseille (© : CHRISTELLE MAUBEC)
RCCL : 82 escales et 300.000 passagers cette année
Convaincue par l’adaptation et les garanties offertes par Marseille, Royal Caribbean a donc décidé de revenir en force, avec pas moins de 30 escales cette année, dont 22 pour l’Allure of the Seas jusqu’en octobre. Cela représente 80.000 passagers et, si l’on y ajoute les autres filiales du groupe RCCL, dont Croisières de France, ces chiffres atteindront 82 escales et 300.000 passagers, soit 20% du nombre de croisiéristes attendus cette année à Marseille (1.5 million pour 465 escales).
Le terminal croisière de Marseille (© : CAMILLE MOIRENC)
En plus des compagnies « captives », au premier rang desquelles Costa, MSC et Croisières de France, qui effectuent des embarquements chaque semaine à Marseille et continuent de s’y renforcer, le port phocéen mise donc, également, sur d’autres opérateurs pour poursuivre son développement. Dans cette perspective, les Américains constituent une clientèle potentielle importante. « Si Royal Caribbean vient, ce n’est pas uniquement à cause des accès portuaires. C’est aussi parce qu’il y a derrière une véritable destination. A l’étranger, et notamment aux Etats-Unis, l’image de Marseille change. C’est une capitale historique dont l’image évolue très positivement. Cela se voit dans des classements internationaux prestigieux, comme ce fut le cas avec le New York Times, qui en a fait une destination de référence lorsque Marseille était capitale européenne de la culture. On observe donc, y compris de la part des Américains, beaucoup d’intérêt et de curiosité ».
Améliorer les liaisons aériennes pour développer les têtes de ligne
La phase suivante consistera évidemment, en plus de Costa, MSC et CDF, à inciter d’autres compagnies à développer les embarquements depuis Marseille. Royal Caribbean, qui a tenté l’aventure en 2012 et 2013, s’est depuis retirée, préférant faire de Barcelone sa tête de pont méditerranéenne, y compris pour le marché français. Mais les Provençaux ne s’avouent pas vaincus, ni avec cet armateur, ni avec d’autres. Pour Jean-François Suhas, l’une des clés du succès résidera dans l’amélioration de l’offre aérienne. « Nous devons impérativement travailler sur l’aérien pour transformer les passagers en transit en passagers tête de ligne. Barcelone propose par exemple quatre liaisons quotidiennes directes avec la côte Est des Etats-Unis alors que Marseille n’en a pas ».
L’Harmony of the Seas l’an prochain
En attendant, l’intégration de Marseille aux itinéraires de la toute première saison d’un paquebot de la classe Oasis en Méditerranée est déjà un très beau succès. Une réussite qui va se poursuivre l’an prochain puisque l’Harmony of the Seas, troisième navire de cette série, réalisera sa saison inaugurale en Méditerranée. Le nouveau géant, actuellement en construction à Saint-Nazaire pour une livraison en juin 2016, réalisera au départ de Barcelone des croisières d’une semaine vers Palma de Majorque, Marseille, La Spezia, Civitavecchia et Naples.