(Article publié le 29 mai) Alors que la livraison du nouveau bateau-porte de la forme 10 était prévue mi-2015, le silence radio était de mise à Marseille ces dernières semaines. Et pour cause, un incident technique est intervenu courant mars sur le chantier de construction, confié par le port à un groupement d’entreprises piloté par Spie Batignolles TPCI. « Au cours d’une opération de mise en précontrainte des câbles verticaux permettant de comprimer le béton. Une surface de 1 m² de paroi s’est décollée au niveau du radier (le socle de l’ouvrage), révélant une fissuration profonde qui nécessitait un diagnostic sérieux et complet. Le chantier de précontrainte a été immédiatement stoppé et le groupement a diligenté rapidement les diagnostics et les expertises nécessaires pour identifier les causes de cet incident », explique le Grand Port Maritime de Marseille.

Le bateau-porte le 12 mars (© DR)
La fin de chantier désormais prévue en mars 2016
Ce dernier précise que « des études approfondies sur les ferraillages, la qualité des gaines de précontrainte et sur la formulation du béton, ainsi que sur les conditions de mise en oeuvre, ont été menées jusqu’à début mai, afin de définir les moyens à mettre en oeuvre pour apporter les réponses techniques adéquates à cet incident. Le GPMM a également missionné de son côté de nombreux experts pour conforter les données remises par le groupement ».
Spie Batignolles et ses partenaires ont élaboré un programme de réparation et de renfort de la structure du bateau-porte, afin de garantir les performances de l’ouvrage selon le cahier des charges. Alors que les modalités finales doivent être présentées au port dans les prochains jours, les travaux entrainent logiquement le report de la mise en service de la forme 10. Prévue pour entrer de nouveau en exploitation début septembre, l’énorme cale sèche ne sera pas opérationnelle avant mars 2016, date désormais avancée pour la fin de chantier du nouveau bateau-porte. Le retard est donc évalué à six mois.

La forme 10 (© MER ET MARINE - KEVIN IZORCE)
Conséquences commerciales
Comme le rappelle le GPMM, « les conséquences commerciales ne sont pas négligeables puisque ce retard de six mois de la mise en service de la forme 10 a des effets sur l’entrée en vigueur du contrat qui lie le GPMM et le Chantier Naval de Marseille (CNM), lui-même déjà en contact avancé avec plusieurs armateurs pour des navires pouvant être programmés dès l’ouverture. Les armateurs concernés ont été prévenus et travaillent sur des scenarii alternatifs. De leur côté, CNM et le port de Marseille Fos travaillent à conforter leurs contacts commerciaux pour de nouvelles escales à compter du printemps 2016 ».

Le Norwegian Epic (© MER ET MARINE - KEVIN IZORCE)
Un premier client manqué avec le Norwegian Epic
CNM, qui tablait sur la remise en service de la forme 10 au mois de septembre, a déjà raté l’arrêt technique quinquennal d’un paquebot géant, le Norwegian Epic. Livré en 2010 par le chantier STX France de Saint-Nazaire, le navire de 329 mètres de long et 153.873 GT de jauge, désormais basé à l’année à Barcelone, aurait logiquement pu passer en cale sèche à Marseille. Mais la forme 10 n’étant pas prête, son armateur, NCL, a décidé d’envoyer son navire chez Damen Shiprepair Brest, où il sera accueilli du 27 septembre au 17 octobre. Une solution qui n’arrange évidemment pas la compagnie américaine, le Norwegian Epic devant s’éloigner de sa zone d’exploitation méditerranéenne.

La forme 10 lorsqu'elle était en activité (© GPMM)
La plus grande cale sèche de Méditerranée
Pour mémoire, la forme 10, mise en service en 1975 et non utilisée pendant de nombreuses années, est la plus grande cale sèche de Méditerranée. Longue de 465 mètres pour une largeur de 85 mètres, elle pourra accueillir les plus gros paquebots, mais aussi d’autres types de navires, comme les porte-conteneurs géants. Des perspectives de marché qui ont incité le port de Marseille-Fos à lancer un plan d’investissement d’une trentaine de millions d’euros pour remettre l’infrastructure en état. La construction d’un nouveau bateau-porte coûte à elle seule 13.3 millions d’euros. L’ouvrage, long de 87 mètres pour une largeur de 15 mètres et un poids de 9100 tonnes, est réalisé en béton avec une armature en acier, deux rangées d’alvéoles permettant de le faire flotter afin d’ouvrir la forme 10.
STX France n’est plus dans le tour de table
Concernant l’exploitation du site, le GPMM a retenu en 2012 l’offre d’un consortium formé par CNM, sa maison-mère génoise San Giorgio del Porto et STX France. Au moment du tour de table financier, le chantier nazairien s’est néanmoins retiré, laissant le groupe italien, via sa filiale marseillaise, gérer la future société d’exploitation. Pour mémoire, CNM exploite déjà les formes 8 et 9 des bassins phocéens. La première, d’une longueur de 320 mètres pour une largeur de 53 mètres, présente un tirant d’eau de 11.7 mètres. La seconde, de 250 mètres de long pour 37 mètres de large, offre un tirant d’eau de 7.7 à 8.7 mètres.