A partir de 2018, des méthaniers brise-glace en provenance de Sibérie arriveront à Montoir-de-Bretagne pour décharger du GNL et effectuer des opérations de transbordement vers d’autres navires. C’est le résultat d’un important accord conclu entre le groupe français Engie (ex-GDF Suez) et le Russe Novatek, qui détient 60% de Yamal LNG.

(© YAMAL LNG)
Situé dans la péninsule russe de Yamal, baignée par l’océan arctique, la future usine de production de GNL comptera trois trains de liquéfaction, parmi les plus grands du monde. Doté de quatre réservoirs, le site, dont la mise en service est prévue en 2017, présentera une capacité cumulée de 16.4 millions de tonnes par an. Pour permettre l’exportation du gaz produit par Yamal LNG, la Russie investit massivement dans un outil naval adapté. La construction de trois nouveaux brise-glace à propulsion nucléaire a notamment été lancée, alors qu’une quinzaine de méthaniers de 300 mètres et 170 à 180.000 m3, capables de briser une épaisseur de glace de 2 mètres, va être réalisés pour les besoins du terminal sibérien.

Design de méthaniers brise-glaces commandés en Corée (© DSME)
Malgré tout, le passage oriental ne devrait être praticable que pendant environ trois mois dans l’année. Le reste du temps, les navires feront route à l’ouest pour décharger leurs cargaisons en Europe. Le terminal de Zeebrugge, en Belgique, sera le principal bénéficiaire, Fluxys ayant conclu dès les années 2000 un accord pour permettre le transbordement de 8 millions de tonnes de GNL par an.
14 cargaisons et 1 million de tonnes de GNL par an
Engie, de son côté, achètera 1 million de tonnes chaque année via un contrat long terme de 23 ans débutant en 2018. 14 cargaisons seront livrées chaque année par les méthaniers brise-glace de Yamal LNG au terminal de Montoir, près de Saint-Nazaire. Une excellente nouvelle pour le site ligérien d’Elengy, filiale d’Engie, confronté à un effondrement des escales de méthaniers.
Relancer un trafic qui s’est effondré
Ainsi, en 2014, le trafic est tombé à 1.26 million de tonnes, alors qu’il atteignait les 5 millions de tonnes à la fin des années 2000. Comme d’autres terminaux européens, Montoir a d’abord souffert de la forte demande de GNL en Asie, provoquant une hausse des prix dans cette région et par conséquent un report massif des livraisons vers l’Extrême-Orient. Toutefois, alors que le marché européen a retrouvé des niveaux de prix satisfaisants, la situation ne semble pas s’améliorer. Cette fois, c’est la surcapacité mais aussi la volatilité des cargaisons qui est en cause. Le système, basé autrefois sur des contrats généralement étatiques avec des lignes régulières entre pays producteurs et consommateurs, a évolué vers le marché spot. En clair, les méthaniers chargent leurs cargaisons et le port destinataire peut changer très vite, y compris en cours de route, pour aller là où le GNL sera négocié au meilleur prix. De fait, les capacités des terminaux terrestres sont en train d’être remplacées par les navires, qui servent de plus en plus de stockage flottant. Et la tendance devrait se poursuivre puisque la flotte va s’étoffer considérablement dans les prochaines années.
Premier transbordement ligérien en 2013
Face à cette situation, les terminaux européens cherchent à se diversifier. C’est le cas de Montoir, qu’Elengy souhaite transformer en véritable hub de stockage et de distribution de gaz. Les installations ont, ainsi, été adaptées pour fournir des clients terrestres par camions-citernes, alors que l’entreprise mise beaucoup sur le développement de la propulsion au GNL des navires, qui engendrera d’importants besoins en avitaillement. Dans le même temps, Montoir a profité des ses infrastructures, permettant de recevoir simultanément deux méthaniers, pour se positionner sur le marché du transbordement. C’est en août 2013 que la première opération de ce type a été menée à bien. Un succès suivi par trois autres transbordements, permettant grâce aux conduites reliant les deux postes du terminal de transférer le GNL d’un navire à l’autre sans passer par les cuves de stockage.

Transbordement entre deux méthaniers à Montoir (© NSNP - ANDRE BOCQUEL)
Hub d’éclatement vers le marché international
Une capacité qui a permis à Elengy de signer un contrat complémentaire avec Novatek. En plus de l’achat d’1 million de tonnes de GNL par sa maison-mère, la filiale d'Engie va assurer, à Montoir, le transbordement de la cargaison des méthaniers provenant de Yamal LNG vers des navires classiques. Appartenant à la flotte du groupe, ils livreront ensuite le GNL partout dans le monde, en fonction des besoins des clients d'Engie. L’estuaire de la Loire deviendra, par conséquent, un hub d’éclatement vers le marché international. Afin d'accueillir les méthaniers brise-glace, Elengy va réaliser différents travaux d'adaptation sur son terminal et prévoit d'augmenter le débit de transfert du GNL par rapport aux transbordements déjà effectués.
Pour le terminal, mais aussi le port de Nantes Saint-Nazaire, confronté à une grave chute de ses trafics énergétiques ayant entrainé de nombreuses pertes d'emplois, ce contrat est de première importance. « Après quatre transbordements réussis à Montoir de Bretagne, avec le concours du Grand Port Maritime de Nantes St Nazaire, de toutes les équipes de commerciaux, d’ingénieurs, des équipes techniques et bien sûr des salariés du terminal de montoir qui malgré les réductions drastiques d'effectifs ont continué contre vents et marées à faire preuve d'un professionnalisme et d'un attachement sans faille à l'entreprise, toutes et tous attendaient avec impatience l'attribution de ce contrat », explique la CGT Mines-Energie.
En plus de redynamiser l'activité, le contrat signé avec Novatek pourrait aussi préfigurer, dans les prochaines années, d’autres opportunités. Le marché du GNL est en effet en pleine évolution avec l’ouverture de nouvelles zones de production, non seulement en Arctique, mais aussi aux Etats-Unis ou en Afrique de l’Est.