Le pôle portuaire charentais ne se limite pas au Grand port maritime de La Rochelle. Les deux sites de Rochefort et Tonnay-Charente jouent un rôle non négligeable dans l’économie locale. Et ils ont des projets de développement. Un article d’Hervé Deiss de Ports et Corridors.
De Tonnay-Charente à La Rochelle en passant par Rochefort, la Charente a su faire de son économie portuaire une véritable dynamique. En accédant au statut de Port autonome puis de Grand port maritime, La Rochelle occupe le devant de la scène. Or, à quelques kilomètres de là, les sites de Rochefort et de Tonnay-Charente participent activement à faire de ce trépied portuaire un véritable pôle complet. Rochefort et Tonnay-Charente sont gérés par la CCI Rochefort Saintonge et exploités par le Syndicat mixte du port de Commerce Rochefort/Tonnay-Charente. Ils sont regroupés sous la dénomination Port Charente Atlantique. « Nous travaillons avec le GPM de La Rochelle et nous entretenons des relations de bonne entente. Nous devons encore apprendre à mieux nous connaître pour tendre vers ce qui pourrait être un véritable pôle portuaire charentais et ce, malgré nos différences de statuts », explique Céline Vrion, directrice du syndicat mixte du port de commerce Rochefort/Tonnay-Charente.
Sur ces sites, les trafics sont moins volumineux que ceux de La Rochelle. Avec 634 211 tonnes, les ports du syndicat mixte réalisent moins de 10% de celui du GPM. Des trafics qui sont malgré tout importants puisque les entreprises destinataires ou expéditrices de ces ports se situent dans un rayon de 50 km. La preuve, par les faits, que le cabotage européen à un avenir. En 2019, le trafic a connu une baisse de 24,3%. Après deux années de hausse, en 2017 et 2018, Rochefort et Tonnay-Charente marquent une pause. « Le net recul de nos volumes est en partie lié aux trafics céréaliers de Tonnay-Charente », explique Céline Viron. Ce port exporte une grande partie des céréales vers l’Europe. Or, en 2019, les trafics de maïs vers le Portugal au départ de ce site n’ont pas été au rendez-vous en raison de la mauvaise récolte. D’autres exportations de céréales vers la Grande-Bretagne ne se sont pas non plus réalisées en 2019. Deux éléments qui ont chahuté le volume de Tonnay-Charente qui totalise 191 240 t, en baisse de 41%. Au final, ce port voit ses volumes se réduire considérablement pour être inférieurs à ceux de 2016, une autre mauvaise année. À l’import, Tonnay-Charente réceptionne des matériaux de construction qui ont aussi chuté en raison de la baisse de l’activité du BTP dans la région.
Le site de Rochefort a mieux résisté même si les trafics sont en nette baisse. Avec 442 271 t, il enregistre un repli de 13%. À la différence de Tonnay-Charente, Rochefort est avant tout un pôle d’import. Il réceptionne en grande partie des engrais et du bois pour la région. À l’export, Rochefort traite des métaux pour le marché européen.
Ce contexte difficile des deux ports charentais n’affecte pas les projets d’avenir. Même si le trafic céréalier a subi le contrecoup de la campagne céréalière en 2019, la Sica Atlantique, qui gère le silo de Tonnay-Charente, reste confiante dans l’avenir du site. Car de nouveaux flux se sont faits jour ces derniers temps. Des pois sont exportés en Europe et du maïs tracé vers l’Allemagne. Il s’agit de maïs dont l’origine est tracée pour entrer dans des aliments bio. Sur le site de Rochefort, des courants comme la ferraille ont fait leur retour depuis deux ans et pourraient monter en puissance, indique la directrice du syndicat mixte. Plusieurs entreprises dans un rayon proche recyclent en effet des métaux et pourraient utiliser les installations portuaires. Intégré dans le système de l’économie circulaire, Rochefort vise aussi des trafics de pneus broyés. Les deux sites portuaires ont aussi su se placer sur le marché des produits forestiers. Les importations de bois sciés sont en augmentation. Une filière de copeaux de bois à l’export pourrait voir le jour. La filière du BTP est également examinée à la loupe. Rochefort et Tonnay-Charente importent les besoins locaux pour cette industrie. Des treillis soudés sont acheminés par le port pour une utilisation locale. Des contacts sont pris aussi pour des importations de ciment pour la société Aalborg Portland. Des pistes qui pourraient se concrétiser dans le courant de l’année. « Nous avions une bonne dynamique en début d’année sur le BTP mais la crise sanitaire et l’arrêt des chantiers a amené ces trafics à marquer le pas », souligne Céline Viron. Quant au site de Tonnay-Charente, il dépend en large partie de la campagne céréalière. « Nous avons l’avantage, avec le silo de la Sica, de disposer d’un outil avec de nombreuses cellules pour y stocker des céréales de qualités diverses. Cela nous offre un potentiel important ». Au final, en 2020, Céline Viron espère un trafic 2020 équivalent à celui de l’année passée, sachant comme on l’a vu que le site de Tonnay-Charente dépend plus fortement de la récolte céréalière.
Les projets de développement qui doivent s’accompagner de la mise en service de nouvelles réserves foncières. Le 23 janvier, la secrétaire d’État à l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher, le président de la Région Nouvelle Aquitaine, Alain Rousset, la préfète de la Région, Fabienne Buccio, la vice-présidente en charge de l’économie auprès de la CARO (Communauté d’agglomération de Rochefort Océan) et les différents partenaires ont inscrit le développement du port de Rochefort/Tonnay-Charente au contrat Territoire Industrie. Ce contrat prévoit un schéma d’aménagement et de développement du port avec trois objectifs majeurs : faire des zones industrialo-portuaires un pilier de l’économie de l’agglomération, renouer les liens entre la ville et les ports et, enfin, améliorer la résilience vis-à-vis du risque d’inondation. Un plan qui représente une enveloppe globale de 60M€ financé en partie par les collectivités territoriales et les acteurs économiques des places portuaires.
Ce schéma va se décliner sur chacun des deux sites. À Rochefort, le principal axe de développement se fera par une nouvelle offre de terrains pour les opérations de logistique portuaire. Trois zones sont actuellement examinées. La première vise les sites le long de l’avenue de la Libération à Rochefort. Ces sites inondables sont actuellement occupés par des habitations. « Nous avons étudié avec les services portuaires quels sont les matériaux que nous pourrions entreposer dans des hangars installés sur une zone inondable. Plusieurs produits ne présentent pas de risque si les hangars sont inondés. Nous pouvons donc nous développer sur ces terrains », continue Céline Viron. La seconde zone vise des emprises qui situées entre le port et le site du lycée Dassault. Le projet pour transformer ces terrains en zone portuaire signifie aussi de déclasser une portion de la route qui les traverse. Enfin, la troisième zone concerne des actions de maîtrise foncière dans l’environnement proche du port. Elles devraient permettre à court terme, après les travaux de remise en état, de mettre à disposition de l’activité portuaire des terrains maîtrisés aujourd’hui par la CARO.
Sur le site de Tonnay-Charente, le développement passe par un préalable : la réalisation d’une voie de desserte portuaire qui règlerait également une menace grave de sécurité routière dans Tonnay-Charente. Le centre-ville, situé notamment à proximité d'établissements scolaires, est en effet aujourd’hui traversé par plus de 10 000 camions par an, avec une augmentation prévisible à court terme (12 500 camions/an) au regard des perspectives de développement des activités des entreprises déjà présentes dans le secteur. D’un point de vue pratique, Tonnay-Charente doit développer sa capacité de traitement de vracs d’importation et d’exportation en complément du site de Rochefort. L’autre axe de développement doit permettre au site de se développer sur des activités liées à l’industrie du nautisme comme la maintenance, la construction et la déconstruction.
Après ces réalisations, le Syndicat mixte envisage de réactiver le système ferroviaire pour connecter Rochefort et Tonnay-Charente au réseau ferré national. Mais il s'agit là d' « un avenir beaucoup plus loin », indique Céline Viron.